On pense rarement aux personnes qui nous permettent de mieux comprendre le propos d’une exposition, ou encore qui contribuent à une meilleure connaissance des artistes, et pourtant elles sont importantes ! J’ai nommé les critiques d’art.
J’ai donc décidé de rencontrer l’une d’entre elleux : Camille Bardin jeune critique d’art indépendante et très engagée. Après avoir écrit pour diverses revues (L’Obs, Art Absolument, Point Contemporain, Art Média Agency, Toute la Culture, etc.) elle travaille auprès du collectif Jeunes Critiques d’Art dont elle est co-présidente et co-fonde la confédération International Young Art Criticism (YACI). Elle collabore également à des catalogues d’expositions (Vincent Gicquel à la galerie Thomas Bernard, Lenny Rébéré à la galerie Isabelle Gounod, etc.). Camille Bardin est aussi très active sur les réseaux sociaux dont Instagram et partage ainsi plusieurs émissions.
1/ Quel est votre parcours et votre 1ère exposition ?
Ce n’était pas du tout prévu que je travaille dans l’art contemporain ! À l’origine, je devais devenir journaliste politique. Je bossais d’ailleurs pour la rubrique « politique culturelle » d’une revue. Mais au fur et à mesure, j’ai commencé à écrire sur des expositions puis des expositions d’art contemporain plus particulièrement et un jour une galeriste m’a présentée à l’un de ses collectionneurs en disant que j’étais critique d’art. Cela m’avait bouleversée parce que sans me l’avouer, c’était ce que j’attendais. Quelques temps après j’ai rejoint le collectif Jeunes Critiques d’Art.
https://jeunescritiquesdart.org/category/portraits-dartistes/
Encore aujourd’hui, c’est avec elleux que je fais mes armes parce que je dois encore tout apprendre ! Donc j’écoute et je découvre petit à petit, au fil des conversations avec les membres.
C’est dans cette même dynamique qu’a eu lieu ma première exposition. La galerie Dilecta avait proposé une carte blanche au collectif et on s’est retrouvé à bosser à cinq commissaires sur un petit espace. C’était un moment magique parce qu’au début on avait peur de ne pas s’entendre, de ne tomber d’accord sur rien parce qu’on était toustes très différent.es.
Et en fait, cela a été limpide. Du propos, au choix des oeuvres jusqu’à la scénographie, tout nous a semblé évident. Cela m’a également permis de découvrir la manière dont les autres travaillent, j’ai commencé à comprendre comment iels pensent la mise en espace de leurs idées.
http://www.editions-dilecta.com
2/ En quoi consiste le métier de commissaire d’expos ?
Mettre sa pensée en espace : c’est vraiment cela pour moi ! À l’origine je suis vraiment critique d’art et au fur et à mesure des textes que j’ai écrits, des artistes que j’ai découvert.es et des ateliers que j’ai visités, a commencé à poindre en moi une envie de voir certaines oeuvres dialoguer…
Pour être tout à fait franche c’est finalement né d’un sentiment assez égoïste : je voulais voir et revoir, voir sous un angle nouveau. Au début, je n’ai même pas pensé à imaginer une exposition, j’avais juste cette envie qui n’appartenait qu’à moi. Mais au fil du temps certaines idées me sont venues, puis je me suis dit que je pourrais peut-être essayer de donner à voir ce que j’avais en tête… Mais tout cela est encore très vacillant et se construit peu à peu.
3/ Quelles sont les difficultés et challenges auxquels vous devez faire face ?
Aujourd’hui, je me dis que le plus grand challenge d’un curateur ou d’une curatrice c’est de concilier équilibre et clarté. Trouver l’équilibre entre les oeuvres et les artistes c’est faire en sorte qu’aucune oeuvre n’empiète sur sa voisine, c’est organiser l’espace de sorte que chaque pièce se complète autant d’un point de vue intellectuel que plastique. Mais je crois que ce qui m’inquiète le plus c’est la clarté. J’ai toujours peur que seul.es dans l’espace, les visiteur.ses soient perdu.es, qu’iels ne comprennent pas ce que j’ai voulu dire ou qu’iels ne ressentent rien.
4/ Vous semblez être davantage proche des femmes artistes, si oui, pour quelles raisons ?
Je ne suis pas davantage proche des artistes femmes. Je suis juste folle de rage quand je vois le peu de place qu’on accorde aux femmes, cis comme trans, aux personnes racisées, à celles issues de milieux populaires ou encore celles en situation de handicap. Si je travaillais dans un milieu paritaire où le sexisme, le racisme, le classisme et le validisme n’existaient pas, peut-être que je me moquerais de l’identité des personnes avec qui je bosse et que je ferais seulement attention au boulot qu’on me propose. Mais aujourd’hui encore, les hommes cis, blancs, hétero qui ont de l’argent ont quasiment le monopole de la parole.
Au delà même des inégalités sociales que cela engendre et qui me révoltent je trouve cela intellectuellement pauvre et donc frustrant d’être confrontée en permanence à un seul et unique point de vue. Ça l’est d’autant plus quand les personnes qui émettent ce point de vue s’estiment neutres. En considérant cela j’ai décidé d’être plus attentive aux femmes et à l’ensemble des dites minorités. Je leur laisse prendre plus de place dans mon esprit donc naturellement je les mets davantage en avant. Je sais qu’il existe une vieille garde dans l’art contemporain — comme ailleurs — que ce genre de discours exaspèrent.
J’aimerais sincèrement les convaincre, qu’iels se rendent compte du champs des possibles qui s’offrirait à elleux si iels essayaient d’écouter les autres et d’accueillir leurs discours avec bienveillance.
5/ Quels sont les projets sur lesquelles vous travaillez
Avec les confinements répétés je travaille surtout sur mon podcast PRÉSENT.E. C’est une émission bi- mensuelle que j’enregistre dans l’intimité d’un atelier. Dans chaque épisode j’essaie de proposer une approche inédite du travail de l’artiste puisque les questions que je pose portent davantage sur les réflexions, les doutes et les anecdotes qu’engendrent la création que sur les oeuvres en elles-même. Par rapport au commissariat, je devais présenter ma première exposition importante en mai dernier mais avec le galeriste avec qui je travaille on a trouvé judicieux de la décaler. Elle devrait avoir lieu en mai 2021 si tout se passe bien. Je croise les doigts…