Une fin d’année qui approche à grands pas, on pense déjà, peut-être malgré nous, aux fêtes en famille ou entre amis, surgit alors spontanément l’idée d’une exposition collective sur ce thème.
De l’Antiquité à nos jours, en dépit des époques plus ou moins sombres, le banquet a toujours existé pour ne pas dire régné. Évènement social par excellence, c’est la nature de ces agapes et les rituels auxquels ils répondent qui varient au fil du temps. Une universalité d’autant plus remarquable que ses représentations sont clairement établies, sans hiérarchie, dans de nombreuses iconographies : païenne, chrétienne, juive, musulmane …
Le banquet semble trouver son origine en Grèce, il en est fait mention chez Platon, Hérodote, Aristophane, Xénophon, on le retrouve ainsi dans sa représentation artistique sur la céramique corinthienne grâce à la peinture sur vases dès 700 avant J. C. D’abord assis, il devient couché. Les Étrusques reprendront cette posture allongée, visible sur les grands sarcophages en terre cuite ou sur les décors funéraires.
La peinture pompéienne offre de nombreux témoignages illustrant cet otium si emblématique de la civilisation romaine, cet art de vivre, dont le banquet fait significativement partie.
Se retrouver pour boire et manger, s’amuser et se distraire, c’est bien là un divertissement auquel les Hommes se sont toujours adonnés avec grand enthousiasme. L’oisiveté alliée à la haute gastronomie, au raffinement des arts de la table, à l’épure du mobilier caractérisent une certaine idée de l’opulence et de la réussite.
Son évocation est aussi une exploration des âges, des modes et des saisons, selon les scènes et les aliments décrits, au commencement les céréales et l’huile, puis le pain et le vin, ensuite le poisson, le gibier trophée de chasse, la volaille, les homards, les huîtres et autres coquillages, sans oublier les fruits frais …
Le Banquet s’entend également dans une version plus frugale, lorsqu’il représente « La Cène », ou le dernier repas du Christ et de ses disciples. La plus célèbre de ces illustrations est probablement celle de Léonard de Vinci, peu d’assiettes présentes, on y observe les derniers morceaux de pain et quelques verres posés sur la table.
L’incarnation d’une vie heureuse et sensuelle : « Le festin des dieux », démonstration allégorique du thème de la paix dans l’Illiade d’Homère, Bellini et Titien exprimant alors leur vision personnelle de la mythologie en peignant une attmosphère joyeuse et légère.
Il est le symbole d’un miracle, celui des « Noces de Cana », du maître vénitien Véronèse, représentant le 1er signe de Jésus, qui alors que le vin manquait, a transformé l’eau des jarres en très bon vin, à l’insu des invités et des mariés.
Une vision moderne et scandaleuse, celle d’Edouard Manet, et son « Déjeuner sur l’herbe », un pique-nique insouciant et provoquant, en plein air, au milieu des bois, des jeunes femmes dénudées l’une tout simplement assise dans l’herbe, l’autre qui se baigne, des cerises éparses sur un lit de feuilles et un panier de fruits renversé …
Une approche exotique et décorative, purement fictive, proposition de Paul Gauguin fraîchement arrivé à Tahiti, avec « Le Repas », où cette nature morte savamment composée de bananes, de goyaves et d’un bol occidental en faïence ne correspond à aucune réalité.
Un festin en guise d’hommage, comme « Le Banquet » de Garouste, immense triptyque, où se concentre tout l’univers onirique de l’artiste, pour y conter les mythes et grands textes fondateurs et philosophiques dont Kafka est la référence centrale, avec pour cadre Venise et son carnaval, et une multitude d’animaux étranges qui dansent, volent et jouent des instruments de musique sous une pluie de confettis. Une fête célébration où s’enchevêtrent des références au livre biblique d’Esther.
Chaque époque a ses manières de manger et son propre langage. Les agapes en sont l’apogée. Alors que le banquet a toujours joué un rôle de premier ordre par sa fonction sociale, religieuse et politique, quelle sera la dimension, mais aussi la signification de celui-ci, scénographié et porté par les œuvres singulières de ces huit jeunes plasticiens à l’univers si différents, réunis autour de cette thématique aux multiples facettes qui n’a cessé d’inspirer les artistes ?
Texte Marianne DOLLO, curatrice de l’exposition