Quelles sont vos influences ?
Je ne sais pas. La vie entière et la manière de l’envisager. C’est à dire, possiblement l’inventer, a pu m’influencer.
Il y a tant d’artistes que je respecte et de nombreux enthousiasmes qui m’ont parcourue, que poser quelques noms, lectures, écoutes, mythologies, serait enfermant pour ma part.
Et puis il y a eu l’environnement, le paysage, les rencontres importantes, l’humour, le choix et les décisions.
Vos obsessions ?
Sur le même ton qu’au-dessus, j’en sais encore moins. Je suis tout simplement obsessionnelle.
Dénombrer tout cela risque de m’effrayer.
Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)
La prochaine !
Qui n’existe pas encore.
Emmenez-nous quelque part
Nulle part
Depuis la mer, dans l’obscurité, il est 5h, on devine la manipulation de la pirogue, son balancier, ses protagonistes. Lourd d’abord sur la jetée, une fois à l’eau, les protagonistes à l’eau eux aussi, stabilisent la fragile mais robuste embarcation qui flotte et remue. Poussant l’arbre vers le large, ils grimpent dedans. A bord, ils attrapent aussitôt les rames et profitent de l’impulsion pour que l’arbre continue d’être propulsé. L’embarcation est sur le départ.
Quittant la rive, la nuit fait place progressivement à l’aube. il y a le silence et le clapotis. A son bord, peu à peu on distingue deux femmes. il y a les rameuses et derrière, l’architecture : le port, les navettes à quai, la côte et bientôt la pleine mer.
Sur la mer, le jour pointe, les premiers rayons changent les couleurs de la surface, rosie d’abord. La pirogue n’est plus un spectre voguant, on la découvre comme une précaire embarcation. On comprend avec les teintes de l’aube, que la pirogue est un arbre. On voit sa coque entourée d’une écorce marronne, irrégulière. Sa pesanteur dans la mer s’oppose au sentiment de puissance d’un tronc équipé certes d’un balancier, mais tout de même d’une embarcation lourde et improbable.
A présent, la navigation est de dos, qui avance avec le mouvement continue des corps, des rames et la pleine mer devant lui. Une des femmes, placée à l’arrière, s’arrête soudain de ramer. De dos toujours, on la voit écoper. L’eau rentrée lors de la mise à l’eau et la montée à bord, est évacuée de l’arbre. Elle reprend sa rame. L’embarcation prend progressivement le large et s’éloigne. Glissant tranquillement, l’œuvre devient nomade. 6 heures de traversée, à ramer d’abord fraichement à l’aube, remplacé plus tard par le torride soleil du midi.
(Un arbre navigue depuis une presqu’île jusqu’à une île. 6h de traversée – 4 milles de distance – 15 min de film – traversée de Hyères (Villa Noailles) à l’ile de Porquerolles (Fondation Carmignac) – Juillet 2020. Si tout va bien…)
Deux rameuses vont naviguer dans un arbre sculpté. L’œuvre – arbre s’inspire de pirogue à balancier (Va’a). Un élément familier qui fait appel à deux imaginaires. L’un est populaire (la pirogue), l’autre est chimérique (un arbre qui vogue). Conjointement, ils évoquent le caractère éternel de la transhumance. L’idée très simple de la pirogue, se rapproche de celle d’une navigation d’expédition, mais de fortune, comme le radeau. Cette embarcation vulnérable incarnera simultanément la cohésion qui existe entre appréhension, exploration et émerveillement.
Cette œuvre presque totale (sculpture, performance, vidéo) circuler dans un arbre, sera un hommage poétique aux flux qui irriguent le vivant. Par terre, une saison bleuie et une lame damassée est une œuvre de conviction. La transhumance, l’entreprise folle de glisser sur un arbre, traverser, la persévérance à ramer sans interruption, bravant courants et climat, où l’épuisement se fera ressentir par le changement d’allure de la pirogue et des corps des performeuses.
Sont tout autant d’éléments forts et poétiques : le dessein, le courage, l’acharnement, la navigation de fortune, le suspens, l’immensité de la mer, la nature tout entière humaine et environnementale, seront présents durant le temps de la traversée.