Vos Influences
Je pense que ce qui m’influence le plus ces dernières années, ce sont les plus simples événements du quotidien. Sinon en ce moment, je regarde de plus en plus les primitifs italiens et les peintres du début de la Renaissance.
Par exemple, je pense beaucoup aux petites prédelles narratives comme formats d’expressions. Récemment j’ai vu un Fra Angelico inoubliable au musée de Cherbourg “Conversion de Saint Augustin”. Dans ce tableau la disproportion des échelles et les postures des personnages me touchent et m’inspirent beaucoup. Si l’on met de côté un instant le mythe de Saint Augustin, l’histoire de l’œuvre pourrait, je pense, devenir complètement universelle et intemporelle.
Si les prédelles ont été utilisées afin de raconter des mythes connus et reconnaissables par un large public, j’aimerais que l’on regarde ou lise mes peintures un peu comme des petites prédelles de narration libre. Des récits qui sont à la fois inconnus mais étrangement familiers.
Lorsque je me sens un peu perdue, en recherche de repères, j’aime beaucoup retourner regarder Édouard Munch, les portraits du Fayoum, Puvis de Chavannes, mais aussi Fra Angelico, Giotto, Balthus, Ferdinand Hodler, Gustave Courbet, Hilma Af Klint, Mamma Anderson, Piero della Francesca, Vuillard, Manet, Paula Modersohn-Becker, Vallotton, Morandi, Vittore Carpaccio, les dessins de George Seurat, Eugene Carrier, Velasquez, Gauguin, Bruegel… Bon, et d’autres … Ils m’aident à me recentrer sur mon travail.
Vos Obsessions
En regardent mes toiles je crains avoir une petite obsession pour les compositions des “cadres dans des cadres”,et des compositions généralement “enceintes”.
Mais aussi, je suis assez obsédée par les repentirs. En les laissant visibles, on sent l’endurance, le temps devient alors moins abstrait que d’habitude. J’aime le fait que même si un geste est recouvert, il influencera les couches qui le couvriront par sa texture et sa couleur, évidement, mais aussi par le « passé » qui est à la fois présent.
D’ailleurs, comme le repentir peut réapparaître le lendemain ou revenir à la surface dans les années à venir, ça devient un jeu un peu infini. J’adore ça…
Ce n’est pas pour rien que pour nous autres, peintres, un repentir est désigné par le terme de « fantôme ». Dans des cas très réussis, les repentirs peuvent faire coexister plusieurs scénarios à la fois, et même des contradictions, surtout quand elles peuvent se lire de différentes manières.
Les repentirs sont un moyen par lequel je révèle mes hésitations, aussi, mes modifications des compositions, des objets et même des figures qui étaient là et qui auraient pu rester, mais ne le sont pas complétement. La visibilité du processus, c’est souvent agréable à percevoir.
Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)
Je n’ai jamais préparé aussi honnêtement, avec autant de sentiments personnels une exposition que celle de “Rituals For Long Distances”.
Accueillie en septembre dernier par la galerie Emmanuel Barbault à New York. Elle parlait d’amour et de longues distances. J’ai adoré peindre cette exposition.
http://emmanuelbarbault.com/exhibitions/rituals-for-long-distances/