Quelles sont vos influences ?
Nombreuses et diverses selon les périodes. Que ce soient des détails du quotidien, des lectures, des films, des artistes, de la musique, des gestes, des regards, des pièces de théâtre, des phrases issues d’échanges, des voyages…
Dernièrement il y a le temps dilaté dans certains romans de Marguerite Duras, l’incroyable mélange des genres et la force des tableaux de Sigmar Polke, de façon récurrente le processus créatif par tâtonnement et les retranscriptions de répétitions de Pina Baush, entre autres, l’étonnement des premieres fois où j’ai vu des performances de Tino Seghal, la sensualité et l’érotisme de certaines images d’Araki ou encore l’étrangeté des vidéos de Mika Rottenberg…
Vos obsessions ?
Elles alimentent souvent ma banque d’images personnelle, devenant des collections d’images, des motifs récurrents avec lesquels je compose par la suite ou qui se trouvent au départ de certains projets. Comme des fragments de souvenirs qui pourraient se jouer indéfiniment de ma mémoire.
Il y a eu longtemps les chutes de tissus et les rideaux. Le mouvement du tissu est attirant par sa sensualité et son mouvement, par l’étrangeté de ses postures, comme un corps en torsion ou à l’abandon. La photographie étant pour moi souvent proche de l’érotisme et du fantasme, à la fois dans le rapport qu’on établit aux formes, aux lieux, aux autres et dans les projections mentales que les images peuvent provoquer.
Aujourd’hui c’est le lien avec la trame qui m’intéresse de plus en plus, son rapport à la matière du grain photographique et la possibilité d’explorer des détails en rentrant ou en agrandissant des parties d’images.
Je dirais qu’il y a souvent la nuit aussi, avec toutes les images mentales qu’entraînent sa force et son extravagance. Les représentations de l’intime, la fête et les pratiques festives, la danse, les insomnies, les ambiances nocturnes urbaines…
L’univers de la nuit, son caractère transitoire et les états dans lesquels elle peut nous plonger est une grande source d’inspiration pour mon travail. En ce moment je travaille avec des scans de fragments de textes du livre l’Amour, de Marguerite Duras autour du mot nuit que j’agrandis et que j’insole avec des émulsions végétales éevanescentes.
Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)
J’ai beaucoup aimé réaliser ma première installation photographique en extérieur l’année dernière, rue du Château d’eau dans le cadre des Rencontres Photographiques du 10ème à Paris.
Elle se présentait sous la forme d’une sorte de travelling nocturne sur quinze panneaux qui alternaient plans larges et inserts avec des recadrages d’images de ma série On ne demande pas des comptes à un orage. J’ai trouvé ce changement de perspective très intéressant, le fait de penser une installation dans l’espace public et ce rapport direct au passage des gens.
En réalité ce que j’aimais le plus c’était regarder les passants sans qu’ils.elles sachent que j’étais l’artiste de la pièce. M’assoir dans le bistrot en face avec un verre de vin observer les personnes qui traversaient la fresque sur leur passage, comme projetés dans un autre espace. Regarder ceux qui s’arrêtaient, photographier les transgressions sur les images qui avaient lieu dans le temps et l’érosion des images avec les intempéries.
Emmenez-nous quelque part
Je vous emmène le long de la promenade du Malecon de Miraflores sur les hautes falaises longeant la côte de l’océan Pacifique de Lima, au Pérou à la tombée de la nuit, pour y retrouver une incomparable traversée lumineuse.
En se faufilant entre des buissons touffus, on y avait trouvé avec une amie d’enfance, une plateforme en bois abandonnée qui était un ancien point de départ de parapentistes, c’était notre point de rencontre préféré, on avait l’impression qu’elle nous était réservée.
On surplombait l’horizon avec ce sentiment d’invincibilité de l’adolescence. Cet endroit quelque part secret, espace d’échange et d’inspiration, celui où l’on se réfugiait pour tuer le temps, regarder des couchers de soleils, puis ce moment si particulier lorsque la nuit s’empare progressivement du paysage, de la ville, et que les couleurs basculent dans une sorte de fadeur ambiante propice à la mélancolie avant de plonger dans une ambiance cinématographique nocturne, m’ est revenu dernièrement en découvrant l’expression lassitude balnéaire que l’on retrouve dans le livre Vermillion Sands de JG Ballard.
Le commissaire Thomas Fort m’y a introduite en prenant appui sur la nouvelle Numéro 5, Les Étoiles, autour de laquelle tourne notre exposition Des échos dans un jardin de Pierre, qui a eu lieu entre 18 et le 22 juin 2020 au Houloc.