Quelles sont vos influences ?
J’ai débuté mon travail artistique en travaillant la céramique et en étant taraudée par en faire un métier d’art. Or, à l’époque, la céramique n’est pas encore reconnue comme matériau artistique et l’engouement pour cette technique qui permet de la confectionner n’est pas encore «ressenti» dans l’art contemporain.
Puis, j’ai découvert Grayson Perry, artiste plasticien et céramiste britannique. Esprit libre et vagabond, dont les œuvres en céramique sont autant de réflexions ironiques et grinçantes sur des questions universelles telles l’identité, le genre et allant à l’encontre du politiquement correct sous toutes ses formes.
Son travail de céramiste a été couronné du prix Turner en 2003. Volubile et excentrique, Grayson Perry milite pour faire émerger un homme nouveau, libéré des archétypes d’une puissante virilité, et entend le faire savoir haut et fort.
Ainsi, ce vase en céramique fabuleusement fabriqué recouvert de dessins, de photographies, de billets de banque, de montres… évoque les tours de la City de Londres, son argent et son pouvoir – masculin – néfaste. Il navigue entre ce qui est considéré comme de l’artisanat ou de la décoration et ce qui est davantage subversif, un dialogue culturel et politique.
J’ai pris conscience que rien ne m’obligeait à entrer dans un moule, que la variabilité et la diversité de l’art, son historicité, supposent l’invariance et l’unité de son concept.
En ce qui concerne la pratique artistique, j’ai toujours admiré Barbara Hepworth, immense sculpteure britannique des années 30. C’est une figure majeure de la sculpture abstraite, monumentale, au côté de son ami, Henry Moore, dans les années 40 à St.Ives. Barbara Hepworth n’entre dans aucune case.
Elle m’a toujours interloquée, exerçant un art si physique à une époque où la place des femmes dans la société était controversée.
Son travail me fait rêver et je me perds dans les lignes et les mouvements de ses sculptures qui coexistent à la perfection avec leur environnement. Son œuvre est indissociable de la nature. Ses sculptures sont élaborées, elles ont sur moi, un étrange effet de plénitude. Sa maîtrise du travail de la matière est époustouflante. Son art appartient à une lointaine époque et s’exprime avec simplicité, en quête perpétuelle de pureté. C’est indéniablement son œuvre qui m’a donné envie de devenir une artiste.
Vos obsessions ?
La nature est mon obsession, elle est le point de départ et d’arrivée de toutes mes créations.
Je me ressens intimement liée à mon environnement. J’ai grandi au bord de la mer, les terrains de jeux et de promenades de mon enfance étaient les forêts, les parcs ou encore la plage.
En tant qu’adulte, j’ai encore et toujours besoin d’être à l’extérieur, connectée à la nature, ma première source d’inspiration.
Percevoir l’étrange et le merveilleux, observer la façon dont la flore pousse et bouge sous la caresse du vent. Le roulis des vagues sur la plage de sable, le cri des mouettes rieuses, les chants des oiseaux qui résonnent dans la forêt, les rayons lumineux du soleil venant frapper la Terre pour l’illuminer. C’est extraordinaire !
La nature me fascine et me fait prendre conscience de ce que nous sommes face à cette immensité. Elle m’a appris beaucoup sur moi-même et m’offre la possibilité de rencontrer la vie sous différentes formes, d’agir pour Elle, à mon niveau, de partager et de communiquer. Notre environnement doit être chéri et soigné, parce que nous sommes de passage et que chaque expérience, chaque émotion qui nous ont animées, si nous ne les partageons pas, seront perdues. Alors partager, explorer et faire grandir tout ceci, c’est ce que je désire réaliser. Le corps de mon œuvre est une ode au monde naturel, sa célébration, la coexistence entre l’homme et son environnement.
J’ai toujours été attirée par l’imaginaire, un monde à la lisière du réel.
L’excentrique auteur d’Alice au pays des merveilles, Lewis Carroll, m’obsède. Le jardin botanique qu’il décrit, je le vois comme un univers parallèle où la nature a repris ce qui était perdu.
Je me suis inspirée de l’univers pictural de ce livre, comme de bon nombre d’histoires fantastiques pour nourrir celui que je tente de créer au travers de mes sculptures que je considère comme des chimères, un mélange entre fantastique et réalité, l’homme et la nature.
Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)
« In Et Arcadia Ego » (2017) a été ma première commande de Land Art. J’avais déjà par le passé, combiné des matériaux organiques dénichés dans la nature et des plantes dans ma pratique de la sculpture, mais ça été le point culminant de toutes mes recherches. Chacun des éléments utilisés pour créer cette pièce destinée à un jardin privé à proximité de Canterbury en Angleterre, a été trouvé dans les environs.
Le métal qui a servi à créer le squelette a été usiné et moulée avec l’aide d’un artisan métallier dont la métallerie se trouvait à proximité du domicile des clients. Pour ce qui est des branchages utilisés pour la structure, mon assistant et moi-même les avons trouvés dans une forêt voisine. Nous avons passé deux semaines, jour après jour, à la recherche des branches idéales pour ce projet. Ce fut une belle expérience. Des heures laborieuses de grattage de l’écorce nous ont permis de faire apparaître cette belle couleur blanche, et enfin de pouvoir assembler l’ensemble et lui donner sa forme finale. Les TRACHELOSPERMUM Jasminoides trouvées dans une pépinière locale, ont été les pièces finales du puzzle.
Cette sculpture est la pièce dont je suis la plus fière, car elle a été conçue avec des éléments d’origine locale, issue de l’environnement où la création allait être installée, ce qui représente exactement le message que je veux communiquer par mon travail.
C’est cette affinité entre moi en tant qu’artiste et l’environnement qui influence si fortement ma démarche.
De plus, cette sculpture est en constante évolution, au fils des saisons elle se transforme, le jasmin s’épanouit d’année en année et grimpe le long de la structure en bois, fleurissant et changeant de couleur.
Emmenez-nous quelque part
Chez moi, à Margate, une petite ville côtière en Angleterre, où j’ai grandi et où j’ai rêvé sur les vastes plages qui s’étendent à perte de vue. J’ai passé et passe encore des heures à flâner seule ou accompagnée de ma famille, ramassant différents coquillages, pierres, morceaux de bois flotté ou encore diverses algues échouées sur la côte par l’action du vent, des courants ou des marées, que j’observais et dessinais. Photographiant les multiples changements d’aspects du rivage.
J’aime profondément cette sensation de se sentir seule et vivante, comment les marées changent, transforment les perspectives d’une même plage d’un jour à l’autre.
Une tempête se prépare loin en mer, tous les bateaux s’accrochent au rivage dans l’attente, le vent se lève, assourdissant.
L’énergie, la liberté et la puissance des éléments sont vivifiantes. Vous êtes seule face aux éléments qui se déchaînent et votre esprit vagabonde vers l’irréel, l’impossible.
Mon travail s’inspire de ce monde naturel et vous verrez souvent le fluide mouvement des plantes aquatiques et la texture de coraux dans mes réalisations.
Ma maison est là où est mon cœur, et la mer est mienne.
Légende Photo : Détail de l’oeuvre “Your Sweet Embrace”, 2018 – Plâtre. 165 x 56 x 67 cm