Quelles sont vos influences ?
De la peinture italienne du Quattrocento à des peintres tels que Georgia O’keeffe et David Hockney, en passant par les Nabis, l’estampe japonaise, la peinture chinoise classique …
La musique et la littérature (roman surtout) interviennent aussi de manière souterraine et viennent nourrir l’ensemble que je construis.
Vos obsessions ?
Pendant un temps, c’était la marche et ce qu’elle engendrait comme réflexion sur le rapport qu’entretiennent le temps, l’espace et l’être dans la déambulation. Beaucoup de mes dessins étaient liés à mes promenades, je tentais de schématiser, de cartographier toutes sortes d’idées et d’images réelles ou mentales qui me venaient quand j’étais en mouvement.
Aujourd’hui, tout cela est moins direct. Mais je nourris toujours une obsession formelle par la répétition de certaines formes qui fait de mon travail une sorte de transe méditative dans la durée de la réalisation : des vaguelettes, des nuages, des briques, un langage d’éléments récurrents pour composer à loisir des espaces souvent dépourvus de présence humaine.
Ce qui m’habite c’est la recherche d’un éternel présent.
Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)
J’ai du mal à me satisfaire du travail une fois qu’il est achevé comme si le meilleur était toujours à venir ou dans la construction même de l’ensemble.
Mais je garde un excellent souvenir de l’exposition de fin de résidence à Yishu 8, la Maison des Arts de Pékin en avril 2019. Il s’agissait de présenter le travail réalisé en trois mois dans cet état de désir et d’urgence suscité par le dépaysement et un temps court. Même si j’avais beaucoup produit l’espace à investir était vaste. J’ai eu l’idée quelques jours avant le vernissage de reproduire sur un des murs une des grandes fenêtres chinoises du lieu, avec une peinture d’un jaune très chaleureux. Magie du hasard et surprise émouvante, le soleil venait l’éclairer en fin de journée puis s’y coucher.
Emmenez-nous quelque part
Nous somme dans le 19ème arrondissement de Paris en octobre, la lumière du soleil décline assez tôt mais il fait encore doux l’après-midi. Rue de Crimée, derrière une grille entrouverte, entre deux immeubles relativement modernes qui vieillissent mal, les graviers crissent sous les semelles, on aperçoit une icône puis on pénètre dans ce qui rappelle un minuscule village russe perdu en pleine capitale.
La pente est légère jusque’ à l’église St Serge-de-Radonège.
C’est un endroit préservé entouré de végétation, il y a peu de visiteurs.
Une partie de l’édifice est constituée de briques, un escalier double en bois peint et sculpté mène au lieu de culte chrétien orthodoxe au premier étage.
À travers la fente qui sépare les lourdes portes fermées, un large tapis rouge, du bois, partout des peintures et des éclats dorés : superbes motifs ornementaux végétaux ou géométriques et des icônes dont les auréoles brillent dans la pénombre. On y parle russe. Le parquet craque, ça sent l’encens et la cire. On y voyage.
Légende Photo :
“Nunc Dimittis”, 89 x 130, acrylique sur toile, 2020.