Quelles sont vos influences ?
Breughel et Bosch ont été déterminants dans ma vie d’artiste et dans mon travail.
J’ai redécouvert ces peintres pendant mes cours d’histoire de l’art.
En cours on projette en grand les oeuvres et cela m’a déclenché l’envie de pénétrer à l’intérieur. Voyager de scènes en scènes, de détails en détails en utilisant les techniques de cinéma d’animation en complément de mon travail de peintre. Le défi était lancé. C’était en 2005 aux Beaux-Arts de Paris.
Cette expérience physique et sensorielle avec ces 2 génies de l’histoire de l’art m’a guidé jusqu’à aujourd’hui.
Vos obsessions ?
Aujourd’hui, au delà du vertige que me provoque l’acte de peindre, je crois que mon obsession est de donner vie à un monde inventé.
À travers ma matière, lui donner une réalité, raconter une histoire à laquelle on croit.
Je cherche à provoquer une émotion et emmener le spectateur dans mes rêveries pour qu’il s’évade avec moi.
Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)
La première c’est mon installation vidéo « Les sept péchés capitaux ».
Elle existe en version de 1 ou 7 écrans simultanés. J’ai mis 1 an et demi pour la réaliser.
J’ai adoré redessiner méticuleusement à la plume les œuvres de Breughel en pièces détachées puis les animer par ordinateur. J’ai créé ma propre narration et grâce aux outils numériques j’ai pu m’immerger totalement dans cet univers. Je voulais que l’on puisse aller au delà de ce que l’on voit pour découvrir de nouveaux éléments en avançant dans l’oeuvre.
Le défi était de garder la sensation du dessin original et de créer un voyage halluciné dans une œuvre qui est devenue à la fois celle de Breughel et la mienne.
La deuxième œuvre est une peinture à l’huile, « Le baiser ».
C’est un triptyque de 2 x 5 m.
Le point de départ est un détail d’un tableau de Rubens, « La Kermesse » qui se trouve au musée du Louvre.
J’ai isolé un couple qui s’embrasse en dansant dans une fête paysanne. J’ai agrandi l’échelle et créé un effet optique, comme si la mise au point était sur les amoureux et les bords totalement flous jusqu’à la tache. Ce travail de flou optique s’inspire directement de mes expériences avec le numérique. Cette peinture fait le pont entre le classique et le contemporain. La taille du tableau provoque une sensation physique, qui donne l’impression que l’on peut rentrer dans la scène et que le couple nous emmènent danser avec eux. La réalisation de cette peinture a été une lutte dans son exécution et elle est finalement pour moi l’un de mes tableaux les plus réussis.
Emmenez-nous Quelque part
Nous sommes en 2006. Je suis étudiant aux Beaux Art de Paris en 4ème année. Je présente pour la première fois mon film « Les proverbes flamands » inspiré de Breughel.
C’est ma deuxième œuvre animée inspirée par la peinture. Je suis en pleine découverte des possibilités de l’animation et c’est la première fois que je dévoile ce travail au public. C’est un succès. Au milieu de la foule regardant mon travail, je vois un petit homme qui crée l’émulation autour de lui. C’est Claude Berri, grand producteur de cinéma, grand collectionneur, acteur et réalisateur.
Je m’approche de lui : « Cela vous plait ? ».
Claude : « C’est vous qui l’avez fait ? »
Moi : « Oui. »
Claude : « Vous ne savez pas ce que je peux faire pour vous. N’allez voir personne d’autre ».
Le lendemain matin il m’appelle à 9h. 1h après nous revisitons, seuls toute l’exposition, ouverte spécialement pour nous par les Beaux-arts de Paris. Puis nous allons chez lui pour discuter. Il me fait rentrer dans son intimité, me présente sa femme, son chien et je découvre un appartement rempli d’œuvres de très grandes qualités du sol au plafond.
Il m’a tout de suite pris au sérieux, moi, le petit étudiant.
Il me considérait comme un artiste et je sentais que c’était le début de ma carrière qui commençait à ce moment précis.
Il m’a pris sous son aile, il est devenu mon mécène. On avait un projet d’exposition solo dans son nouvel espace qu’il venait d’ouvrir. Ce qui m’a le plus impressionné chez lui c’est sa passion de l’art, sa joie de découvrir des artistes et de les révéler. C’était désarmant de voir un homme qui a tout vu, tout connu et qui continuait de s’émerveiller et de s’enthousiasmer comme un enfant face à l’art, et ce, jusqu’à la fin de sa vie.
Ça a été difficile de lui dire au revoir.
Légende Photo : « LE BAISER » D’après La kermesse de Pierre Paul Rubens, 2014, oil on canvas – 455 x 193 cm
Extrait Vidéo “Carnavals” :
CARNAVALS TRAILER from antoine roegiers on Vimeo.