Quelles sont vos influences ?
Selon notre fils aîné « c’est Victor Hugo, notre chien, et notre entourage … ».
De prime abord on aurait répondu nos lectures en bande-dessinées, puis le monde de l’illustration jeunesse.
On est rentrés dans le dessin grâce à nos lectures comme source d’inspiration et d’influences.
Le trait noir et vif de Blutch et sa poésie, la densité des cases de Julie Doucet.
Puis nous avons découvert les aquarelles de Kitty Crowther, son monde végétal et féerique dans des livres pour enfants.
Nous sommes aussi fascinés par les arts décoratifs, les planches de dessins qui servent à créer des tapisseries, tel que celle de Pierre-Joseph Redouté ou celle de Eugène Grasset ou le végétal devient ornemental et géométrique.
Vos obsessions ?
Selon notre deuxième fils : « dessiner dessiner dessiner ».
Notre obsession c’est de travailler le dessin dans toutes ses formes, qu’il épouse l’espace de manière protéiforme.
Nous n’avons eu de cesse de l’explorer et de repousser ses limites comme par exemple la grande cape de chauve-souris pour le FRAC Normandie un dessin de grotte imprimé sur un tissu qui ondule et crée une paroi fragile entre les deux espaces de l’exposition.
On aime passer d’un très petit dessin au plus grand geste possible avec de grandes murales, explorer le trait et sa traduction.
Notre obsession est donc d’explorer le dessin dans sa matière de voir ce qu’il se passe lorsqu’il devient le pli et le mou dans un tissu ou comment il devient 360 degrés dans une céramique et qu’il devient alors collage.
Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)
L’eau et les rêves est un dessin de 4,50 par 2,10 mètres que nous venons de réaliser et que nous montrons dans un Group Show actuellement chez Laurent Godin.
C’est une interprétation du livre de Bachelard, nous l’avons conçu comme le gaufrier d’une bande-dessinée, avec des rebondissements, des rappels, l’idée était de créer un paysage totalement onirique sans espace autre que celui des répétitions et des textures des rêves.
Dans ce paysage se déplace des animaux marins tel que la pieuvre et la méduse, personnages vecteurs de phantasmes et de projections pour l’être humain.
Dans ce dessin nous avons essayé d’utiliser les techniques pour leur propriété : l’eau comme l’aquarelle, comme texture aqueuse.
Emmenez-nous quelque part
En Corse dans un petit village dans les montagnes où le soleil brûle les maisons, les murs prennent une couleur ocre poussiéreuse, la poussière balaye la place où trois arbres sans nomination botanique fatigués par la chaleur esquisse une ombre frêle où en plein après-midi on ne croiserait pas une vache.
Lorsque l’on plonge dans la mer on est au pied ces montagnes rugueuses, sèches, où les ombres se décrochent de manière brutale et le bleu profond de la mer crée un choc on passe sans transition d’un état à un autre. Les contrastes jouent, le dehors sec rouge, orange et le vert dur de la végétation trapue et l’intérieur des fonds marins où règne une sorte de prairie où se balance des algues calmes.
En arpentant cette immensité d’interface de bleus on peut croiser une murène or et violette qui crache lorsque vous l’approchez.
Dans la rocaille un poulpe majestueux qui de toutes ses tentacules attrapent un tas de pierre pour disparaitre, il change de couleur, se déploie, rétrécie, s’enfuit dans un nuage d’encre.
On se dit que dans le dessin on aimerait pouvoir saisir toutes ses aspérités et ses sensations, le chaud abasourdissant, le sec, la poussière sous les pieds ou encore le bruit des galets frottés, luisants léchés par les vagues.
Légende Photo : Vue de l’exposition re-ouverture, galerie Laurent Godin, Paris.
L’eau et les rêves, 2020, Techniques mixtes sur papier, 210x450cm
Courtesy galerie Laurent Godin, Paris, Adagp, Paris.