Quelles sont vos influences ?
Miriam Cahn, pour les liens si directs qu’elle nous propose entre émotion, peinture, colère et corps. Et pour son courage de parler franchement du corps de la femme dans tous ses états.
Francesco Clemente, parce qu’il se nourrit tellement de poésie, et parce qu’il fait face aux questions de spiritualité : un sujet qui nous met mal à l’aise. Il est aussi très sincère quand il parle et ne cesse pas de changer de format, changer de médium…il est en constante évolution.
Giotto di Bondone, pour ce qu’il représentait historiquement, pour son envie de donner expression émotive, élégance, simplicité et richesse de couleurs à ses paysages, ses personnages. Pour son intelligence face à l’architecture et la profondeur avec laquelle il utilisait la peinture pour enrichir et embellir l’espace.
Vos obsessions ?
La digestion, la gestation et la naissance. L’acte physique d’ingurgiter le monde : manger veux dire faire rentrer le monde, le laisser traverser notre corps. Le corps est changé par cet acte et puis les liquides et sécrétions qui en résulte sont restitués au monde.
La gestation : c’est la métamorphose, héberger un autre corps en soi, être deux genres en même temps, utiliser le corps comme outil de vie.
Et la naissance : par un acte qui demande autant de force, expulser et faire migrer la vie d’un corps à l’autre.
Par la naissance, transmettre son passé, son vécu à un corps qui est à la foi inconnue et en même temps la continuation de soi-même.
Parlez-nous de l'une de vos réalisations ou expositions dont vous êtes le/la plus satisfait(e) et/ou qui vous a rendu(e) heureux(se)
Lasciare Entrare, Lasciare Andare, mon exposition personnelle en cours à Cabinet studiolo à Milan.
C’est ma première exposition personnelle en Italie.
J’ai quitté l’Italie quand j’avais 17 ans et y retourner pour faire une exposition à Milan était assez touchant. La grande peinture que j’ai fait au mur, tuffo, est celle d’une femme qui plonge le long des murs de la galerie. Elle était le lien qui tissait toutes ces peintures de séries et époques différentes ensemble.
C’était juste avant le confinement … c’était une ode à l’amour de la peinture, à l’amour, et à ma relation à la couleur.
Légende Photo :
Photo d’installation de ‘Lasciare Entrare, Lasciare Andare ‘ à Cabinet Studiolo, Milan. Commissaire Maria Chiara Valacchi, photo Filippo Armellin
Emmenez-nous quelque part
Je voudrais vous emmener à la Chapelle de Scrovegni, à Padoue, en Italie.
Le bleu des plafonds est poudré. Il y a des étoiles partout. Les fresques aux murs couvrent chaque surface de cette église. Chaque personnage à sa présence, son expression : peine, extase, amour, émerveillement… Chaque pli de tissu est dessiné simplement et attentivement par les pinceaux et les pigments de Giotto et son équipe d’assistants. Les couleurs vibrent. C’est l’incarnation de la magie dans la peinture.